Prisons belges: quels problèmes envers les droits humains?
L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme dispose que nul ne doit être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Pourtant, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT), les tribunaux nationaux et les ONG influentes ont condamné la Belgique à plusieurs reprises pour son inaction face aux conditions précaires dans ses prisons.
Les prisonnierères ont des droits comme le respect de l’intégrité physique et morale ; les soins médicaux et mentaux ; la sécurité et un environment sûr ; des conditions de vie adéquates ; un traitement de réadaptation ; l’accès aux griefs et au tribunal ; et le contact avec le monde extérieur.
Cependant, en 2019, Amnesty International a souligné que les problèmes structurels des prisons belges affectaient les droits des détenues.
Les prisons belges sont dramatiquement surpeuplées. En 2021, Prison Insider a déclaré que la population carcérale belge était de 10883 personnes pour seulement 9500 places et 35 prisons. Certaines prisons comptent deux fois plus de prisonnierères que la capacité réelle. Certaines raisons de la surpopulation sont la détention préventive trop longue, des mesures de prévention insuffisantes concernant les soins sociaux et de santé mentale, et le manque d’investissement dans les installations pénitentiaires. Par conséquent, le taux d’occupation était de 121% en 2021. Les prisons belges disposent également d’infrastructures assez pauvres et vétustes qui limitent l’accès des détenues aux éléments de base tels que les installations hygiéniques et sanitaires, une aide médicale et psychologique, une ventilation, etc. En raison de la surpopulation ainsi que de la médiocrité et vétusté des infrastructures, les prisons belges manquent cruellement de personnel, ce qui conduit les gardiennes de prisons à régulièrement se mettre en grève, et donc à disposer d’encore moins de ressources dans celles-ci.
Le même rapport d’Amnesty International de 2019 montre qu’environ 10% des détenues sont des internées qui ne bénéficient donc pas d’une aide appropriée en prison. Les conséquences de la surpopulation, de la vétusté des infrastructures, du manque de personnel et des interné·e·s dans les prisons ordinaires sont dramatiques. Par exemple, plus de 200 prisonnierères doivent dormir avec le matelas à même le sol et certain·e·s prisonnier·ère·s ne peuvent parfois pas prendre de douche pendant des jours, voire des semaines. De plus, le Conseil de l’Europe a signalé que la médiane des suicides dans les prisons européennes était de 5,7 pour 10000 détenu·e·s, alors que la Belgique en compte 15,4. Ces conditions précaires ont des effets négatifs non seulement sur les détenu·e·s mais aussi sur la santé et le bien-être du personnel.
Les prisons sont considérées comme ayant diverses fonctions, la plus importante étant de protéger la société contre les personnes dangereuses. Néanmoins, en 2022, le professeur de droit Damien Vandermeersch a expliqué que la Belgique comptait 60 % de récidives. En fait, beaucoup affirment que la prison fonctionne comme une sorte de neutralisant des comportements négatifs mais aussi positifs des invidu·e·s. En ce sens, les prisons ne font que bloquer toute activité que les détenues entreprendraient en dehors de la prison, elles ne font que neutraliser les détenues mais ne les aident pas à se réinsérer dans la société.
Alors, quelles alternatives avons-nous? Certaines solutions pourraient consister à proposer des alternatives aux prisons pour les délinquantes souffrant de troubles mentaux. Ces alternatives existent déjà mais elles pourraient être améliorées et les délinquantes pourraient avoir un meilleur suivi pour comprendre si ilelles doivent être dans des prisons ordinaires ou spéciales. Une autre solution serait d’accélérer les procédures judiciaires et de réduire la durée des peines. Certaines expertes soutiennent que la prison ne devrait être utilisée qu’en dernier recours, que nous devrions plutôt condamner les gens à des travaux d’intérêt généraux, à une probation autonome, une médiation judiciaire, et, dans une moindre mesure, à une amende.
Si nous n’utilisions la prison qu’en dernier recours, nous pourrions alors imaginer avoir davantage de maisons de détention à petite-échelle, différenciées et intégrées dans la société. Ces maisons à petite échelle existent déjà sous le nom de maisons de transition. Les détenues s’y rendent avant leur libération pour être réintégrées dans la société. Ces maisons de transition disposent de, psychologues, divers spécialistes, de coachs de vie et d’un·e coordinateurice.
Cependant, pour l’instant elles ne sont utilisées que pour une petite partie privilégiée de la population incarcérée. Bien qu’il y ait davantage d’activités de loisirs à l’intérieur des prisons et que certaines maisons de transition existent, la Belgique a également créé une maxi prison à Haren qui comptera environ 1200 prisonnierères et ressemble à une petite ville. Prison insider a interrogé des expertes des deux côtés et les opinions concernant cette nouvelle prison sont diverses. D’un côté, certaines affirment que cela permettra aux prisonnierères d’avoir de meilleures conditions de vie, ce qui résoudra le problème des infrastructures vétustes et pauvres, ainsi que celui de la surpopulation puisque les détenu·e·s d’autres prisons y seront transféres.
D’autre part, beaucoup critiquent la privatisation des prisons par de grandes entreprises, notamment en raison de son manque de transparence. Par ailleurs, son emplacement en dehors de la ville peut également amener les membres de la famille, les amies et même les avocates à moins rendre visite aux détenues. De plus, l’automatisation, comme les badges et la reconnaissance faciale, entraîne une diminution des contacts humains et, par conséquent, une déshumanisation et une aliénation accrues des détenues. Un autre argument est celui du maintien du statu quo et d’une politique plus repressive plutôt que de changements politiques.
Certaines affirment que la prison de Haren ne résoudra pas le problème de la surpopulation carcérale mais encouragera plutôt l’incarcération d’encore plus de personnes au lieu d’utiliser des solutions alternatives.
Les discussions concernant les prisons, les alternatives et ce qui devrait être fait sont variées et les opinions très divergentes. De nombreuses discussions ont lieu et des changements se produisent des deux côtés : davantage d’alternatives se développent alors que des maxi prisons sont créées en même temps. Bien entendu, la liste ci-dessus n’est pas exhaustive et de nombreuses recherches sont menées afin d’améliorer les conditions de vie des détenu·e·s et de respecter leurs droits fondamentaux. Ceci nous amène à conclure que le statu quo n’est pas une fin en soi et que de nombreuses solutions existent pour vivre dans un monde plus équitable où les droits de toutes sont respectés.
Pauline Lebutte
Belgian prisons: what problems with Human Rights?
Article 3 of the European Convention on Human Rights states that no one should be subjected to torture, inhuman or degrading treatment or punishment. Nonetheless, the European Court of Human Rights (ECHR), the United Nations Committee Against Torture (CAT), national courts and influential NGOs have repeatedly condemned Belgium for its inaction towards the precarious conditions in its prisons.
Prisoners have rights such as physical and moral integrity; medical and mental healthcare; security and a safe environment; adequate living conditions; rehabilitative treatment; access to grievances and court; and contact with the outside world. However, in 2019, Amnesty International pointed out that structural problems in Belgian prisons affected prisoners’ rights.
Belgian prisons are dramatically overpopulated. In 2021, Prison Insider declared that the Belgian prison population was 10,883 people for only 9,500 places and 35 prisons. Some prisons count twice as many prisoners as the actual capacity. Some reasons for overcrowding are extensive pretrial detention, insufficient prevention measures regarding social and mental health care, and the lack of investment in prison facilities. As a result, the occupation rate was 121% in 2021. Belgian prisons also have quite poor and outdated infrastructures which restrict prisoners’ access to basic features such as hygienic and sanitarian facilities, medical and psychological help, ventilation, and so on. As a consequence of overcrowding and poor and outdated infrastructure, Belgian prisons are seriously understaffed, leading the prison guards to go on strike a lot, and hence to have even fewer staff and resources.
In addition, around 10% of the prisoners are internees who hence do not receive appropriate help in prison, according to the same 2019 Amnesty International report. The consequences of overpopulation, outdated infrastructure, lack of staff, and internees in regular prisons are dramatic. For instance, more than 200 prisoners have to sleep with their mattresses on the floor and some prisoners sometimes cannot shower for days or even weeks. On top of that, the Council of Europe reported that while the European suicide median within prisons is 5,7 for 10.000 inmates, Belgium counts 15,4. These precarious conditions not only have a negative effect on the prisoners but also on the staff’s health and well-being.
Prisons are seen as having various functions, the most important one being to protect society against dangerous people. Nevertheless, in 2022, law professor Damien Vandermeersch explained that Belgium has 60% of recidivism. Many argue that jail works as a sort of neutralizer for individuals’ negative behaviours, but also their positive behaviours. Prisons in that sense just block any activity that prisoners would undertake outside of prison, they only neutralize the prisoners
but do not help to be reinserted within society.
So, what alternatives do we have? Well, some solutions could be to have alternatives to prisons for mentally-ill offenders. These alternatives exist already but they could improve and offenders could have a better follow-up to understand whether they should be in regular prisons or special ones. Another solution would be to speed up court procedures and reduce the length of sentences. Some argue that prison should only be the last resort and that we should rather sentence people to general interest work, autonomous electronic surveillance, autonomous probation, judicial mediation, and in a lesser measure sentence people to pay a fine.
If we only used prison as a last resort, we could then imagine having more small-scale, differentiated detention houses that would be embedded in society. These small-scale houses exist already under the name of transition houses. Prisoners go there before their release to be reintegrated into society. These transition houses have psychologists, various experts, life coaches, and a coordinator. However, for now, they are only used for a small privileged part of the incarcerated population.
Although more leisure activities are brought inside prisons and some transition houses do exist, Belgium also created a maxi-prison in Haren that will count around 1200 prisoners and looks like a small city. Prison Insider interrogated experts on both sides and opinions regarding this new prison are various. On the one hand, some argue that this will enable prisoners to have better living conditions which will resolve the problem of outdated and poor infrastructure, as well as overcrowding since inmates from other prisons will be transferred there.
On the other hand, many criticize the privatization of prisons by large enterprises, partly because of its lack of transparency. Besides, its location outside of the city can also lead family members, friends, and even lawyers to visit inmates less. In addition, automatisation such as badges and facial recognition leads to less human contact and hence to more dehumanisation and alienation for the prisoners. Another argument is the one of keeping the status quo and more repressive politics rather than political changes. Besides, some argue that the prison of Haren will not resolve the issue of overcrowding but will instead encourage incarcerating more people rather than using alternative solutions.
Discussions regarding prisons, alternatives, and what should be done are various and opinions highly diverge. A lot of discussions take place and changes are happening on both sides: more alternatives such as electronic bracelets, autonomous work, autonomous probation, and smallscale detention houses are developing while large-scale prisons are being created at the same time. Naturally, the above list is not exhaustive and more research is being conducted to improve the living conditions of prisoners and respect their fundamental rights. This leads us to conclude that the status quo is not an end in itself and that many solutions exist to live in a more equitable world in which the rights of all are respected.
Pauline Lebutte
foto Daniel Vanderkin da Pixabay